Le système postal est devenu de manière inattendue un champ de bataille dans la guerre contre les médicaments de contrefaçon et de qualité inférieure. Les réseaux criminels exploitent les services postaux et de fret aérien pour faire transiter internationalement des produits pharmaceutiques illicites, menaçant ainsi des millions de personnes dans le monde. L’initiative Operation African Star, lancée en juin 2024, est une étape significative dans la lutte contre cette menace grandissante. Cette initiative interorganisations a pour objectif d’intercepter des expéditions de produits pharmaceutiques illicites et de renforcer les mécanismes d’application sur l’ensemble des réseaux postaux.
Menée par Food and Drug Administration des États-Unis d’Amérique, en collaboration avec Pharmacy and Poisons Board (Conseil de la pharmacie et des poisons – PPB) du Kenya et l’Autorité pharmaceutique nationale de l’Ouganda, et avec l’aide de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) et UPU, Operation African Star a permis la saisie d’envois contenant 92 produits pharmaceutiques non autorisés, falsifiés, de qualité inférieure ou fabriqués illicitement, pour un total de plus de 115 000 unités et 1,15 kilogramme au cours d’une opération de quatre jours dirigée par le Kenya et l’Ouganda. L’OICS a fourni une formation sur les interceptions, des kits de dépistage de drogues et un accès à la plate-forme IONICS pour permettre le partage d’informations et soutenir les efforts d’application.Selon l’Organisation mondiale de la santé, 10% des produits médicaux dans les pays à revenus faibles et moyens sont falsifiés ou de qualité inférieure, ce qui entraîne un échec des traitements, une résistance aux médicaments et des milliers de décès qui pourraient être évités. Les produits pharmaceutiques illicites fréquemment saisis sont des faux sirops contre la toux, des faux analgésiques, des faux opiacés, de faux médicaments pour la perte de poids et contre le diabète, de faux antibiotiques et de faux traitements pour la dysfonction érectile.
En Afrique, par exemple, Dawn Wilkes, Chef du programme «Sécurité postale» de l’UPU, explique qu’un faux sirop contre la toux a été à l’origine de nombreux décès infantiles en 2022 et souligne la nécessité d’interventions réglementaires plus fortes.
Selon elle, «le problème est d’une ampleur considérable et varie selon les régions. Nous devons rompre le lien entre les fournisseurs et leurs marchés. Des patients sont souvent victimes de médicaments de contrefaçon, car ils ne peuvent pas acheter de véritables alternatives et alimentent ainsi la demande de produits pharmaceutiques sur le marché noir.»
Pour répondre à cette menace grandissante, Operation Africa Star a été lancé pour améliorer la collaboration en matière d’identification et d’inspection des expéditions et pour renforcer l’application de la loi. La croissance rapide du commerce électronique a encore accentué la pression sur les opérateurs désignés, qui éprouvent des difficultés à gérer le volume considérable de courrier, rendant encore plus difficile le suivi efficace des expéditions dans la mesure où de nombreuses expéditions pharmaceutiques illicites sont présentées comme des distributions issues du commerce électronique légitimes.
«L’initiative Operation African Star n’était pas uniquement consacrée à l’application, mais représentait aussi une étape essentielle vers la création de solutions à long terme pour donner aux opérateurs désignés et aux régulateurs les moyens d’empêcher les produits pharmaceutiques d’infiltrer les réseaux de courrier mondiaux. Les opérateurs désignés ont besoin de meilleurs outils, financement et soutien pour répondre à ce défi grandissant», déclare Wilkes.
Matthew Nice, Chef de Global OPIOIDS Project de l’OICS et expert de l’OICS sur les efforts d’interception au niveau international, souligne que l’initiative Operation African Star consiste à favoriser la coopération sur le long terme entre différentes organisations. Cette opération a facilité le partage transfrontalier des informations entre le Kenya et l’Ouganda, permettant la mise en œuvre d’actions tangibles d’application allant au-delà des saisies de produits pharmaceutiques.
«Un mois après l’opération, PPB et l’Unité de lutte contre les stupéfiants du Kenya ont démantelé avec succès une infrastructure de production de méthamphétamines qui faisait du trafic de stimulants dans toute l’Afrique de l’Est», explique M. Nice.
Il souligne aussi que ces efforts ont dépassé le cadre des actions d’application pour inclure des campagnes de sensibilisation, la fourniture d’équipements de protection au personnel postal et le développement d’outils d’évaluation des risques. Il ajoute que l’OICS et l’UPU ont renforcé leur partenariat pour apporter en continu des améliorations relatives à la formation et à la sûreté du système postal en veillant à ce que les opérateurs aient accès en temps réel à des plates-formes de partage d’informations et à des outils numériques pour rationaliser l’identification des menaces.
Pour l’avenir, M. Nice confirme qu’une initiative Operation African Star 2 en Ouganda et au Kenya est déjà en préparation pour juin 2025; elle intégrera des pays voisins comme l’Éthiopie et la République-Unie de Tanzanie.
«Nous voulons tirer parti de ce qui a été accompli au Kenya et en Ouganda, à savoir affiner les processus, renforcer les partenariats et veiller à ce que les autorités de maintien de l’ordre et les régulateurs postaux continuent à partager efficacement les informations», déclare-t-il.
En favorisant la collaboration interorganisations et en donnant aux opérateurs désignés les bons outils et les bonnes informations, la lutte contre les produits pharmaceutiques de contrefaçon peut gagner du terrain.
La réussite d’Operation African Star démontre que l’application ciblée et la coopération internationale peuvent perturber le trafic illicite de produits pharmaceutiques. Dans la mesure où les réseaux criminels évoluent constamment, il est indispensable de mettre en place une formation continue pour s’adapter aux nouvelles tactiques des trafics. Les pays doivent évaluer et améliorer leurs cadres réglementaires existants pour combler les écarts en matière d’application.
Operation African Star n’est qu’un début. Grâce à une vigilance constante, la coopération internationale et des mesures renforcées de sécurité postale, la guerre contre les médicaments de contrefaçon peut être remportée.
La photo de la couverture et de la page d'accueil : International Narcotics Control Board (INCB)