«Il a toujours été difficile d’étudier les sciences dures, car les filles n’étaient pas censées devenir des scientifiques», déclare Sandrine Diffo, développeuse principale pour les applications de gestion de la qualité au Centre de technologies postales de l’Union postale universelle (UPU). Sandrine a étudié au Cameroun, puis obtenu un Master en sécurité informatique en France. Même en France, elle se rappelle que sa classe de 40 élèves ne comptait que cinq filles. C’est pour elle une preuve supplémentaire que beaucoup moins de femmes que d’hommes se lancent dans une carrière scientifique.
Tout en reconnaissant qu’elle ne s’est sentie bloquée à aucune étape de sa carrière, Sandrine remarque que l’un des principaux freins pour les filles en Afrique est la surprise des gens face aux femmes qui souhaitent travailler dans le secteur informatique. «Ça m’a toujours fait rire, car ce n’est qu’un travail.»
À la question de quelles ont été ses motivations pour devenir scientifique, Sandrine répond qu’elle a été influencée par sa sœur aînée, qui était la seule femme de son école polytechnique au Cameroun et l’une des meilleures parmi les nombreux étudiants en sciences. «Ce qui m’intéressait était de devenir ingénieure, et j’ai choisi le premier établissement de formation qui m’a acceptée. C’est comme ça que j’ai découvert les technologies de l’information et de la communication. Si je revenais dans le passé, je ferais probablement le même choix, car il correspond parfaitement à ma personnalité et à ma façon de penser.»
Pour Sandrine, ses parents ont également été des catalyseurs. «J’ai eu la chance d’avoir des parents qui pensaient qu’on peut arriver à tout si on travaille assez. Ils ont appris à mes cinq frères, mes quatre sœurs et à moi-même à croire en nous. Mon père disait toujours: "Je n’ai pas des garçons et des filles, j’ai des enfants."»
Selon l’UNESCO, seulement 30 pour cent des chercheurs et des développeurs dans le monde sont des femmes. Quand on lui demande pourquoi, selon elle, si peu de femmes suivent cette voie, cette développeuse informatique répond voir un certain nombre de facteurs empêchant les filles de s’orienter vers les sciences.
«Le plus important est la façon dont nous élevons nos filles. Nous avons tendance à les convaincre que certaines choses sont hors d’atteinte pour elles, et la science fait partie de ces choses-là. Les emplois dans l’informatique sont souvent considérés comme n’étant pas féminins et, en grandissant, les filles pensent qu’elles devraient trouver une carrière plus adaptée, explique-t-elle. Il ne devrait pas y avoir de raison pour que les filles ne puissent pas être des scientifiques», ajoute-t-elle après une pause.
En réponse à une question sur les femmes dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et de l’informatique (les STIM), Sandrine rappelle les grandes femmes scientifiques de l’histoire: la physicienne et chimiste Marie Curie, l’astronaute de la NASA Mae Jemison, parmi tant d’autres. «Mais, globalement, les gens ont tendance à croire que les femmes dans les STIM ne peuvent pas être aussi bonnes que les hommes. C’est un stéréotype qui est faux, car le talent ne dépend pas du sexe d’une personne», a ajouté Sandrine.
Elle affirme également que, si vous pouvez apporter votre contribution, votre sexe ne devrait pas entrer en considération. «Ce qui compte réellement est votre talent. Vous êtes créative? Vous savez innover? Vous devriez pouvoir faire ce qui vous passionne, et la meilleure manière de parvenir à ça est de travailler sans biais. Le cerveau n’a pas de sexe.»
Face au défi de proposer des solutions, Sandrine répond que nous devons supprimer la barrière qui dit «tu ne peux pas faire ça, parce que tu es une fille.» Elle a le sentiment que les filles doivent croire qu’elles peuvent tout faire et que, peu importe le secteur que l’on choisit, l’important est d’y trouver sa passion.
Elle fait remarquer que, bien-sûr, les filles comme les garçons devraient être encouragés à poursuivre leurs rêves. «Nous devons permettre aux enfants de croire en eux et les aider à devenir confiants en les encourageant à choisir les matières qu’ils préfèrent. À partir de là, je suis sûre que plus de filles s’intéresseront aux sciences.»
Concernant son propre travail, Sandrine explique qu’elle est gestionnaire de projets pour les programmes de l’UPU relatifs à la qualité de service, qui permettent aux Pays-membres de mesurer la qualité de leurs échanges postaux internationaux et leurs performances en la matière.
Elle ajoute que l’équipe crée des applications basées sur le Web pour ces programmes et que leur rêve est d’avoir des applications mobiles pour chacun d’entre eux. «Je participe également à d’autres activités telles que le service à la clientèle, l’assurance qualité et l’amélioration continue des processus informatiques. Je suis à l’UPU depuis huit ans, mais ça me semble moins long car mon travail est très intéressant et varié.»
Revenant à la question du genre, Sandrine en appelle aux sociétés pour valoriser les compétences et les connaissances quel que soit le sexe des personnes. Tout le monde, d’après elle, doit disposer des mêmes chances pour s’accomplir dans le domaine de son choix. «Je suis heureuse d’avoir transmis à ma fille ce même principe que m’a transmis mon père: "Quelle que soit ta passion, va aussi loin que possible et vise la perfection."»
(L’entretien ci-dessus a été réalisé dans le cadre de la Journée internationale des femmes et des filles de science, qui a lieu le 11 février.)