L’Union postale universelle (UPU) célèbre les 150 ans de sa Statistique des services postaux à un moment où des données fiables, comparables et transparentes sont essentielles pour développer le secteur postal à l’échelle mondiale. Depuis les premières années de l’UPU, les données statistiques ont influencé les grandes décisions politiques.
Les origines de ce système statistique établi de longue date remontent au développement plus large des statistiques officielles internationales au XIXe siècle, façonné par des personnalités telles qu’Adolphe Quetelet, statisticien belge qui a convoqué le premier congrès international des statisticiens en 1853, et Karl Pearson, mathématicien britannique dont les travaux ont jeté les principales bases de l’analyse moderne des données. Leurs contributions ont permis d’établir les principes de rigueur et de comparabilité à la base des statistiques officielles actuelles. C’est dans ce contexte que l’UPU a commencé à collecter des données en 1875. « Elles se concentraient seulement sur ce qui se passait en matière de services postaux au sein des Pays-membres et entre eux », explique Vincent Schicker, historien à l’UPU, soulignant que cette clarté était fondamentale pour les discussions sur les tarifs, les principaux itinéraires et l’émergence de nouveaux modes de transport tels que le chemin de fer et le courrier-avion.« En 1886, les statistiques comprenaient les employés postaux par catégorie, le nombre de bureaux de poste et leur couverture, la distance totale des itinéraires ferroviaires, routiers et fluviaux, les kilomètres parcourus par le personnel postal, voire le nombre de chevaux et de voitures, ainsi que les résultats financiers des opérations postales », ajoute M. Schicker. Au fur et à mesure que les collectes de données se sont développées, elles ont également pris en considération les équipements postaux tels que les machines qui impriment les timbres, les machines de tri et les boîtes aux lettres. Ces informations détaillées, poursuit-il, permettaient aux pays d’identifier leur manque de personnel ou l’absence d’infrastructures et les ont encouragés à se tourner vers l’UPU pour obtenir de l’aide et un soutien technique.
Cet engagement précoce en faveur des données statistiques s’est rapidement révélé indispensable. Les données de l’UPU ont révélé des déséquilibres croissants dans les flux postaux internationaux, ce qui a conduit à la mise en place du système de frais terminaux. En tant qu’expert de l’UPU en matière de statistiques postales, Lukasz Piotrowski indique que cette réforme « n’aurait pas été possible sans la production de statistiques », soulignant à quel point l’harmonisation des données a façonné l’évolution du réseau postal mondial depuis ses premières décennies.
Aujourd’hui, la Statistique des services postaux continue de servir de base aux principaux produits analytiques de l’UPU, notamment l’indice intégré pour le développement postal (2IPD). Les Pays-membres s’appuient sur les chiffres annuels pour comparer les performances, évaluer les réformes et renforcer les réseaux postaux nationaux.
Une importance toujours d’actualité à l’ère des données de masse
L’essor des données de masse a élargi l’éventail des informations disponibles pour les opérateurs postaux, mais il a également accru le besoin de sources fiables et transparentes. M. Piotrowski souligne que l’établissement des statistiques postales revêt une importance croissante dans un environnement informationnel qui évolue rapidement. Il constate que « dans une époque où règnent la désinformation, les interprétations erronées, les experts autoproclamés et les sources de données opaques », les statistiques officielles et vérifiables sont indispensables à la prise de décisions tant au niveau national qu’international.
José Anson, économiste de l’UPU, souligne que l’intégration des statistiques de l’UPU dans le système statistique des Nations Unies, à la suite de l’adhésion de l’UPU à l’ONU en 1948, a constitué une étape majeure pour l’évolution des statistiques postales. « Le secteur postal a ainsi bénéficié d’une reconnaissance dans les statistiques mondiales », précise-t-il. Les statistiques postales de l’UPU ont permis au secteur d’être pris en considération dans le système statistique des Nations Unies, conformément aux Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies. Ces principes soulignent que « les statistiques doivent être pertinentes et impartiales, produites selon des méthodes professionnelles et scientifiquement rigoureuses, exemptes de toute influence politique, et s’appuyer sur une responsabilité et une transparence claires », explique M. Piotrowski.
L’UPU définit son cadre statistique dans le cadre de sa Constitution, qui invite les Pays-membres à partager les données dont l’Union a besoin. Cette coopération permet au Bureau international de maintenir une base de données mondiale exhaustive et fiable.
Dans le même temps, M. Piotrowski souligne que « ces principes ne sont pas contraires à l’innovation. Les sources de données alternatives, y compris les données de masse, peuvent compléter les statistiques officielles lorsque leur utilisation est transparente et méthodologiquement rigoureuse. »
Renforcer la comparabilité entre les 192 Pays-membres
Assurer la cohérence entre les différents systèmes postaux nationaux reste une tâche complexe. La diversité des produits postaux et des modèles de service rend impossible toute normalisation intégrale. M. Piotrowski précise qu’un colis national peut désigner des services très différents selon les pays, alors que le terme « bureau de poste » peut désigner aussi bien une agence permanente entièrement équipée qu’un point d’accès situé dans une épicerie de village.
Des questions se posent aussi lorsqu’on tente de définir et d’évaluer l’accès aux services postaux, notamment lorsqu’on calcule la part de la population qui en bénéficie. Ces exemples, indique-t-il, montrent « pourquoi la normalisation intégrale n’est pas possible, mais pourquoi la comparabilité maximale doit toujours être l’objectif ».
L’année prochaine, l’UPU lancera une réforme de sa publication Statistique des services postaux dans le cadre d’un groupe de travail dédié. De nouveaux indicateurs liés à la durabilité et aux services numériques devraient être introduits. Selon M. Piotrowski, « le plus grand défi sera d’élargir la portée des statistiques postales afin de collecter des données sur l’ensemble du marché, et pas seulement sur les opérateurs postaux ».
Il souligne que l’extension de la couverture nécessite une réflexion approfondie, précisant que la réforme « doit trouver un équilibre entre faisabilité, continuité des bases de données, cohérence et exhaustivité », afin que le système actualisé reste pratique pour tous les Pays-membres tout en offrant une image plus exhaustive du secteur postal.